Sujet de thèse – Septembre 2014

(revu Octobre 2015)

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1 Contexte

1.1 Point de rupture

«Les divers abris construits par l’homme pour se protéger de la foudre, de la pluie, de la neige, du vent, des tempêtes résistent et le protègent. Mais en présence d’un tremblement de terre, rien ne représente plus de danger que ce que l’homme a construit. Un tremblement de terre est une catastrophe précisément parce que les maisons et les villes s’écroulent et que le déchaînement de la nature transforme les espaces habités et les lieux choisis par l’homme en un piège mortel. Au cours de la crise sismique, pour se préserver, les hommes fuient les lieux construits, les villes, les agglomérations. »1

Le tremblement de terre qui a secoué Haïti le 12 Janvier 2010 a coûté la vie à environs 230 000 personnes2 et a plongé le pays déjà fragile, dans une situation particulièrement critique. Dans les jours qui suivirent, le cas d’Haïti a été relayé sur tous les écrans et dans tous les journaux du monde, entraînant une vague « d’aide » internationale, point de départ de cette recherche. Cette sur-médiatisation a permis l’arrivée (ou la ré-activation) de centaines, voir de milliers d’organisations internationales ou étrangères de tout sorte, prenant en main une situation chaotique à tous points de vue. En effet, la notion d’urgence suppose souvent une paralysie des pouvoirs publics locaux à toutes les échelles.

Haïti s’est transformé en quelques mois en une véritable terre d’accueil d’ONG enclenchant des procédures, des processus et des projets peu coordonnés entre eux, encore moins par ce qu’il restait des instances gouvernementales haïtiennes.

Ce point de rupture sera notre point de départ nous permettant d’appréhender les conséquences d’une aide extérieure intervenant dans un contexte particulier.

De nombreux aspects mériteraient un intérêt scientifique précis afin d’analyser et de comprendre les enjeux de cette « aide » soudaine bouleversant les systèmes locaux. Nous nous intéresserons plus particulièrement à la situation du logement provisoire, étape essentielle en cas de crise, conditionnant un retour à une situation pérenne et stable.

Un million deux-cent mille personnes ont perdu leur habitat après le séisme dans un pays où il manquait déjà deux-cent mille logements. La problématique du logement apparaît alors comme un maillon essentiel à la reconstruction du pays, au delà du simple fait de reloger les gens. Nous appréhenderons la question du logement provisoire comme un temps essentiel au regard de l’ensemble de la reconstruction, aussi bien à l’échelle du quartier, qu’en considérant une unité. Nous chercherons à comprendre les liens entretenus entre les systèmes temporaires et la continuité potentielle qu’ils entretiennent aussi bien avec la phase de développement qui s’est engagée ces dernières années, qu’avec « l’avant catastrophe ».

Une des réponses à cette situation de crise a été, comme dans de nombreux autres contextes, la mise en place d’abris provisoires ou transitoires, appelés shelters, notamment dans l’ère urbaine de Port-au-Prince qui comptait en 2012 près de 2 470 762 habitants3. Les types de shelters diffèrent selon les ONG productrices, et sont implantés soit sur des terrains libres, au milieu de quartiers existants, soit organisés eux-mêmes en « quartiers » sur des terrains à l’extérieur des zones les plus urbanisées.